Le travail de l’historien est passionnant à bien des égards. À partir d’une réalité qui est la sienne, cet explorateur du passé tente de mettre en lumière des événements ou des phénomènes qui ont façonné le monde d’aujourd’hui. Il explore alors différentes sources qui lui permettent de valider ou d’infirmer ses hypothèses. Documents anciens, publications d’époque, archives photographiques, témoignages oraux, sont autant de matériaux avec lesquels il peut alimenter sa quête et proposer une lecture du passé.
Si les grands personnages et les événements d’envergure ont longtemps été au cœur du travail de l’historien, les sujets de recherches couvrent aujourd’hui un plus large éventail. Depuis quelques décennies, beaucoup de chercheurs portent leur regard sur des thématiques plus près de la vie quotidienne; plus près du vécu des gens.
Il en est de même de certaines institutions muséales, comme l’Écomusée du fier monde qui s’intéresse de près à l’histoire d’un quartier populaire et aux multiples expériences de ses résidents. Son parti pris est que chaque petite histoire est une pièce essentielle à la compréhension de l’évolution d’un quartier; d’un milieu de vie.
Le projet Lanterna Magica – Ruelle St-André / de Mentana, que nous propose l’artiste Loren Williams, est une démarche originale et pertinente. Empruntant des sentiers fréquentés par les historiens, elle a mené des recherches dans les archives de nombreux résidents d’un voisinage, comme il y en a des milliers dans une ville comme Montréal. Ces rencontres lui ont permit de recueillir de précieuses images et de riches témoignages, qui sont devenus autant de matériaux pour son travail.
Contrairement aux musées, qui présentent souvent des photographies ou des artefacts isolés de leur environnement ou de leur lieu d’usage, Loren Williams met en relation des images anciennes sur les lieux mêmes de leur origine, favorisant ainsi l’amorce d’un dialogue entre le passé et le présent d’un site bien précis. À la fois lieu de passage public, la ruelle est aussi un espace privé que partage un voisinage. Y déambuler provoque souvent une certaine gêne, le sentiment d’entrer dans l’intimité des résidents.
Le traitement et la mise en valeur des photographies anciennes, réalisés par l’artiste, nous permet, sans gêne aucune, d’entrer dans l’intimité de cette ruelle du Plateau Mont-Royal. Il s’agit d’une expérience des lieux unique. Le travail de Loren Williams possède une valeur artistique et historique indéniable.
Éric Giroux
Responsable de la recherche et des collections
Écomusée du fier monde